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Fraternités*
Frères humains qui d’après nous vivez Le temps nouveau des hommes de demain Vous qui n’aurez jamais l’or des héros Mais qui filez du sable dans vos mains Si frères vous clamons point n’en devez Avoir dédain, frères de nos destins Du bout des doigts dans le creux de vos paumes Dans chaque atome un arbre vit et croît Nous nous tenons, par les mains par le coeur Qui vit, qui meurt ? Ainsi vont les saisons Petites soeurs venues de l’autre rive Dans vos eaux vives où chantent les ruisseaux C’est la même eau qui coule dans nos os Et l’océan, et le sel et le…
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Je suis d’un autre pays que le vôtre
Je suis d’un autre pays que le vôtre Je sais comment vivre sans toit Sans foi ni loi, changer cent fois De patelin, de patenôtre
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Margot des nuits
1 Battue par un éclat de lune Elle chavire, la Margot Elle prend sa vie au garot Sabre de bois, chiens de fortune Enfant sauvage et barbaresque Soldats, déchargez vos pétoires ! Elle empaffe autant qu’elle en laisse Des amours éjaculatoires 2 Margot d’un soir, belle diablesse Dans la chaleur affriolante De tes cuisses carnavalesques Tu brûlais les feux de la rampe Toi qui venais du bord des pentes Et qui traînais des chiens en laisse Avec tes airs de fausse abbesse Tes cheveux de fille insolente 3 Sainte Margot mère d’ivresse Toi qui chantais dans nos mémoires Tes longues nuits de purgatoire Tes coucheries de soldatesque …
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Ils ne mouraient pas tous
Ils ne mouraient pas tous Mais certains broutaient la poussière La fine fleur de poudre brune Qui remontait le long des runes La pluie fine de fleur de suie Qui s’insufflait dans les poumons Poison docile et fallacieux Et dans les coeurs aventureux La mort facile et silencieuse Ils ne mouraient pas tous Certains s’écroulaient en silence Par pans entiers comme un château De cartes attaqué par la mer Ils s’affaissaient sur leurs genoux Mur après mur Et leurs entrailles S’effilochaient au gré du vent Le sel avait rongé les tours Les vagues emportaient les remparts Ils ne mouraient pas tous Certains voyaient leurs bras noircis Leurs yeux…
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PAR LA VOIE DE LA MAIN GAUCHE
Lorsque le soleil s’éteint Que le ciel tombe en poussière Sur le monde et ses chimères Ses bouffons et ses pantins Le petit peuple des ombres Caché dans la forêt sombre Se faufile sans un bruit Jusqu’aux portes de la nuit Ils entrent dans les chapelles Renverser les crucifix Mettre le feu aux chandelles Et tracer des graffitis Par la voie de la main gauche Je débauche, je débauche Je grave des pentagrammes Avec le bout de ma lame Lorsque dans un pet de soufre Le Maître se manifeste Ses esclaves le détestent Leur âme est au bord du gouffre Dans des cornues goëtiques Ils mélangent…
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Le dernier abonné au G.A.Z.
“Monsieur Quincampoix, vous êtes subrepticement le plus ancien abonné de notre revue, nous serons heureux de fêter avec vous ce remarquable événement, le mercredi 23 avril prochain à 18 heures passantes, en nos locaux du 43 rue Montalembert. Vous serez notre invité d’honneur. Tenue respectable exigée. SIgné : Sébastien Lavirole, rédacteur en chef et directeur de publication du Moniteur du GAZ (Groupement des Allobroges Zététiciens)”. Le 23 avril à 17h59 frémissantes, Adrien Quincampoix, la quarantaine bien tassée sur ses malléoles, le cheveu rare et nostalgique, l’oeil aigu comme un pique à glace, la lèvre dure, le front convexe, boudiné dans une chemise de sèche-linge, étranglé par une cravate demi-deuil qui…
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Le Cercle des Inconnus Anonymes
« C’est bien là”. Sur la boîte aux lettres, aucun doute, une plaque de cuivre indique : “Cercle des Inconnus Anonymes, C.I.A., 3ème étage”. Comme elle n’a qu’une confiance très modérés dans les ascenseurs, elle monte à pied. Au 3ème, rien. Ou plutôt si, une porte sans aucune indication, même pas fermée à clef. Elle pousse. Elle suit un couloir étroit qui tourne à droite, puis à gauche, descend une dizaine de marches, traverse une cour, remonte une dizaine de marches, prend à gauche, emprunte une coursive extérieure, un nouveau couloir à gauche qui débouche sur une porte… Elle se retrouve exactement à l’endroit où elle était l’instant d’avant, la même…
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La véritable histoire de la Mère Michel
”Qui c’est qui lui rendra ? Qui c’est qui lui rendra ?….” – Elle décanille complètement, la vieille, elle déboîte du ciboulot, elle s’en va de la cafetière !” -Un peu de respect, môme, c’est une vieille guimbarde la mère, elle fait de l’huile, qu’esse tu veux ! Y’a ben longtemps qu’on n’a plus les pièces de rechange. Et pis elle perdu son chat !” -Encore ? Ça fait trois fois ! “ -Mets-toi à sa place, ç’te pauv’ bête, qu’est-ce que tu ferais ? “ Deux jours qu’elle beuglait à sa fenêtre, la mère Michel, matin, midi et soir, deux jours qu’elle sonnait l’Angélus comme une grosse cloche. Elle…
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Approchez
Approchez, Mesdames et Messieurs On va vous en mettre plein les yeux…
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Les dagues douces
Où sont passées les dagues douces Qui chantaient comme des sirènes Dans les ombres de la nuit rousse Inexorables souveraines ? – Où sont les inquiétants sourires Des poignards aux gorges d’acier Que des fantômes émaciés Cachaient sous leurs manteaux de cuir ? – L’Eustache et son bois tailladé Léger dans la main des apaches Qui poursuivait d’un air bravache Les beaux messieurs des beaux quartiers – La navaja venue d’Espagne Ivre de rage et de vengeance Jouer au bazar de la chance La vie la mort à qui perd gagne – Où sont passées les dagues douces Qui chantaient comme des sirènes Dans les ombres de la nuit rousse…
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Les Mystères de Lyon
Sous ses airs florentins, Lyon la sage, l’austère Montre de beaux atours, mais garde ses mystères Il y en a de partout, dans les rues, les traboules Dans des endroits secrets à l’abri de la foule
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Il est un blanc…
Il est un blanc plus blanc que le blanc Un blanc diaphane, évanescent Comme une brume de printemps Effilochée sur un étang
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Confinement
J’entends des pas sur le pavé -Mais non, tu t’es trompé
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MARCHAND DE MUSIQUE
Chez Orgeret au coin d'la rue On vendait des chansons on vendait de la musique Tous les succès des temps perdus Avec des partitions de piano mécanique Et puis les derniers titres accrochés aux volets Du Richard Anthony, du Johnny Hallyday