Je suis d’un autre pays que le vôtre
Je suis d’un autre pays que le vôtre
Je sais comment vivre sans toit
Sans foi ni loi, changer cent fois
De patelin, de patenôtre
–
Je ne crains pas la solitude
Dans les méandres du hasard
J’ai vu s’enfuir pour les Bermudes
Vos navires en peau de lézard
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Et dans le désert des Tartares
Des hommes brûlaient des sarments
Ils ont juré la mort aux dents
De venger le sang des Barbares
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Je suis d’un autre pays que le vôtre
Parfois, vous croyez me saisir
Je suis plus léger qu’un soupir
Et je passe de l’un à l’autre
–
Je ne connais rien des usages
Je ne sais pas parler aux dames
Entre la poire et le fromage
J’assassine un peu mais sans drame
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J’ai trois galets au fond des poches
Trois écus d’or, passez muscade
Un vieux couteau de traîne-cloche
De quoi monter une embuscade
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Il y avait là deux apôtres
L’un s’est enfui, l’autre est tombé
Au champ d’honneur, au champ de blé
Je suis d’un autre pays que le vôtre
–
J’ai bâti mon propre royaume
Dans des châteaux de pacotille
Gardés par d’honnêtes fantômes
Sous le charme gris des charmilles
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Mes tapisseries d’Aubusson
Abritaient d’étranges licornes
Que de belles dames aux yeux mornes
Caressaient comme des garçons
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Mais je suis du pays d’un autre
Et vos chaînes me pendent au cou
Comme une pierre au fond d’un trou
Qui prendrait son coeur pour le vôtre
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Je n’ai pas le goût du martyre
Des jeux du cirque et des grands fauves
J’aime les ombres qui s’étirent
Et se glissent dans les alcôves
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Je ne cherche pas la lumière
Je n’admire aucun de vos dieux
J’aime les routes traversières
Les coeurs solides et caillouteux
–
Après moi il en viendra d’autres
Aussi froids que l’acier des glaces
Certains sont déjà dans la place
Venus d’un autre pays que le vôtre
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D’un pays où les nouveaux nés
Arrachent la vie par les dents
Un pays de chardons ardents
De bois d’argent, de bois bandé
–
On y voit des chevaux de mer
Défier les tempêtes en hiver
Un jour les enfants de la Terre
Reprendront le monde à leurs pères
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Je suis d’un autre pays que le vôtre
Quand votre règne finira
Un temps nouveau se lèvera
Et ce temps-là sera le nôtre
–
CV.01.2020
Un commentaire
André Blanc
bien.. bien …. Charles .. si tu chantes toujours alors une petite musique sur ton poème qu en penses tu