Poèmes,  Racontards

LE CARDINAL ET LES DIABLOTINS

C’est un jardin qui serpentine

Entre Fourvière et la cathédrale

Niché au flanc de la colline

Caché sous les ombres lustrales

Des arbres plantureux font un chemin de croix.

Entre les marronniers et le jardin chinois

On croise un Saint Joseph, un Christ à coeur ouvert.

Tout au bout d’une allée, la fontaine au dauphin

Les plantes poussent en paix, bercées par les prières

Sous la bénédiction de Marie et des saints

Et pour tous les bienfaits dont le ciel l’a couvert

Il a reçu le nom de Jardin du Rosaire


MAIS… dans ce lieu baigné de lumière éternelle,

Il y a comme un accroc, un trou dans la soutane,

Comme une étourderie des aiguilleurs du Ciel :

Un petit coin de terre qui veut rester profane

A l’écart des sentiers, à l’abri des critiques.

Tout en haut d’un talus gardé par des buissons,

Une maison ruinée laissée à l’abandon,

Ornée de graffitis, de signes sataniques.


Le Diable en a fait son repaire

Entre Fourvière et la cathédrale

C’est l’auberge crépusculaire

Des turlupins de la cabale

Pour la fête à Marie, les enfants des chorales,

Les bedeaux, les curés et tout le saint frusquin,

Suivent à petit pas Monsieur le Cardinal

Qui monte vers Fourvière par le petit chemin.

Il souffle comme un boeuf en grimpant la colline.

Il s’éponge le front, se frappe la poitrine.

Il jette à tout venant des brassées d’eau bénite,

Priant pour le salut des âmes éconduites.


MAIS… dès la nuit tombée, les petits diablotins,

Rejoignent leur cambuse avec des yeux qui brillent.

Ils se font des orgies, ils se font des festins,

Laissant traîner leurs mains sous les jupes des filles.

Ils sortent des flacons de rhum ou bien de gin

Qu’ils boivent au goulot et quand ils sont bourrés

Ils s’amusent à jeter des sorts à la volée

A tous les pèlerins, toutes les pèlerines.


Ainsi jusqu’au petit matin

Entre Fourvière et la cathédrale

On entend sonner le bouzin

Et la sarabande infernale

Monseigneur l’Archevêque en apprenant ceci

A failli s’esquinter avec son crucifix :

“Quoi ! la maison du Diable au Jardin du Rosaire !

Pourquoi pas des capotes cachées dans mon bréviaire !”

Il a tout fait raser sur un coup de colère

Et dépêché sur place une poignée de ses clercs

Pour asperger les cendres de la pauvre bicoque.

Ca faisait des grands “pschitt” ! Ca faisait des grands “floc” !


MAIS…pas contents du tout, les petis diablotins

Ont voulu se venger du méchant calotin.

Ils se sont réunis le soir après l’office,

Avec leurs sortilèges et leurs boîtes à malices.

Ils se sont abattus sur lui comme la vérole,

Comme les calamités sur le monde agricole,

Avec de beaux scandales, de vilaines affaires,

De ces casseroles au cul qui font un bruit d’enfer !


Pour qu’un diable vous laisse en paix

Il faut Monsieur le Cardinal

Préserver son jardin secret

Entre Fourvière et la cathédrale

CV 19_07

Auteur, compositeur, interprête

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