De 17 à 25 heures
Poèmes écrits de 17 à 25 ans
-
Qu’un cheval secret
Près du portail en berne S’inclinent tristement Un long cheminement Lassé de couleurs ternes Meurt le rouge pâli Sur le bord de ta bouche Et le soleil jauni Où les heures se couchent Et là dans les ruisseaux de lave Nagent, nagent des poissons d’or Echappés du Musée Grévin Mon doigt court sur le rail uni Mes mains ruissellent sur la voie Sur la colline à l’agonie On entend palpiter les bois Aux murmures du cor Pour un instant sonore Une seconde encore J’écoute un air du Nord Ô qu’un cheval secret Passe, crinière au vent !
-
Miroir coupé
Cadre des nuages Au fond d’un ciel de Brême Je rassemble je me rappelle Mon reflet à plat Sur le saint sacrement des eaux sombres Portrait emmitouflé Double face De mon miroir lame coupé Double orange, me dit Paul, de ma chambre Quoi se passe derrière la vitre nue ? Poing tailladé de sang Mille éclats de mon univers prisme brisé Petits morceaux de lampe qui n’éclaire plus Main posée sur le bord de la table Qui marque douloureusement sa trace
-
Ne réponds pas
Aurais-je le temps de dire : je t’aime ? Nos heures sont devenues si courtes Je dis : voilà Mais qui me répondra ? * Tout respire de ton passage Pourtant le souffle me manque. J’ai eu vent que ce silence Soit déjà mon dernier soupir. * Bien sûr, nous aurions du Effacer nos mémoires Qui de nous deux oublia l’autre le premier ? Je ne me souviens plus.
-
Le singe
Le singe en moi parfois renaît Il me prend des envie de branches De pendre mes bras à tes hanches De m’évader dans les aulnaies
-
Soleil vert
J’enroule autour de toi Comme un voile de brume Comme un souffle de plumes Comme une aile d’écume J’étends les bras J’embrasse le temps J’entends ton pas Les marches s’énoncent une à une Elles volent jusqu’en haut des dunes Elles se détachent sur des syllabes de silence Ton nom et le mien : muets Et juste tes pas qui résonnent Au bout du chemin, des rochers, un ravin Une crypte aux dents blanches S’offre comme une fleur, comme un baiser On sent la gorge de la terre Qui bat lentement d’un sang rauque Et qui murmure un chant profond Un chant de chairs désespérées Qui sanglote auprès du feu Je me…
-
Valet de trèfle
Petit enfant des eaux dormantes Tu masques toujours ton visage ? J’ai cru avoir noyé dans mes écritures : la tienne Mais j’ai retrouvé ta lettre Au carrefour de chaque syllabe vivante Tu étais là Dans chaque mot dans chaque trait Sous les ratures où tu caches ton nom Le vrai, le mystérieux Celui que tu ne prononces jamais Et que j’ai pensé deviner peut-être Et la pluie n’en finissait pas de noyer le poisson Poisson volant perdu dans l’arbre Clochettes au cou des troupeaux lointains Déjà tes mains se referment sur des papillons vénéneux Et tu cries d’angoisse Tu cries que tu voudrais qu’il fut resté chenille Et tu…
-
Je suis au fond du puits
Je suis au fond du puits Les mygales me guettent Les minables me matent Par l’œilleton mauvais Les araignées perverses Tapent toutes leurs pattes Sur le plafond de stuc Qui me cogne la tête J’entends tout ce qu’on dit Tout ce qui bruit résonne Tout ce qui fuit déconne Mon esprit part en torche Je suis au fond du puits Echappé du silence Les gouttes d’eau me broient La cervelle en tombant
-
L’orage
Il fait nuit depuis ce matin Le ciel éteint Que de larmes lourdes se versent D’un ciel d’averse Sous le poids d’un jour étouffant Le ciel se fend Les éclairs fondent du plafond Comme du plomb Sans force, avec le front si bas D’un air si las Comme une armée qui rend les armes Sans combat Comme un noyé les yeux en larmes La tête en bas Une procession de pluie noire Sur les trottoirs S’étire en longs cheminements Infiniment Derrière mes carreaux de fortune Couverts de brume Je regarde couler ce ciel veule Qui se dégueule
-
Presque pas là
Je ne suis presque pas là A peine cuté sur le bord d’un banc Au tout bout du bar. Où le vin ne coule presque pas Ou déjà plus Et la musique s’entend à peine Et la porte est proche On est presque déjà dehors Je ne suis presque pas là, Je m’évite Vos rayures s’accrochent, Et vous dessinent. Je ne suis presque pas là Je m’évite Ne voyez-vous pas que je me cache Que je me masque De tous mes doigts devant la bouche, De tous mes cheveux dans les yeux. Même les voix ne m’atteignent pas Et les regards me traversent, Invisibles, Vous dis-je : invisibles. Sentez le parfum…
-
J’ai compté…
J’ai compté mes souvenirs Et voilà le train qui passe Et voilà le vent qui hurle Et qui emporte son cri Et voilà l’oiseau qui passe Venu des années-poussières Voilà sur le mur de pierre Un nom gravé qui s’efface Efface et que l’on remplace Par la mélodie nouvelle D’une romance en dentelles Qui se joue à pile ou face On ferme un livre achevé A peine on tourne la page Que déjà les personnages Dans la nuit s’en vont danser Danser sur des souvenirs Où des pleurs étaient tombées Et danser sur un été Qui se regarde finir Un été qui se désole Avant que vienne l’automne Revoilà la…