Minuit (Etienne)
Minuit. L’aplomb de l’heure inique
La nuit étouffe un cri pudique
Je t’ai laissé dans l’ombre nu
Presque endormi, presque ingénu
Et ton corps blanc lové d’amour
Comme écrasé du poids du jour
Blotti dans les replis perplexes
Des draps froissés des jeux du sexe
Je t’ai laissé dans l’ombre claire
Mon bel ange crépusculaire
Marqué du sort inéluctable
Qui frappe les amants du diable
Au pied du rideau de velours
Tu paraissais comme au théâtre
Un amant jeté d’une tour
Au dernier mot du dernier acte
La nuit avait brisé tes ailes
Et ton souffle s’était tari
Dans ton cou ma lame cruelle
S’est plantée comme un crucifix
Enfin tu ne te battais plus
La mort t’avait donné la paix
Déjà ton sang se raidissait
Et déjà les draps l’avaient bu
Tes reins cambrés dans une offrande
Comme un amour de contrebande
Implorant le dernier assaut
D’un cavalier, d’un beau salaud
La chambre était saisie d’effroi
Le lit, les meubles renversés
Semblaient s’être soudain figés
Comme un étang glacé de froid
Ca sentait la sueur et le foutre
Le feu qui parle après la poudre
Et le parfum des immortelles
Dans le jardin de Bagatelle
On entendait au loin l’écho
D’une horloge qui sonnait. Juste
Le temps pour moi que je rajuste
Mon froc avec mon paletot
J’ai refermé sur moi la porte
Avant que le remords ne vienne
J’ai prononcé ton nom d’escort :
Etienne