Eléphants
Aussi loin que porte la plaine
Jusqu’au bout des rives du temps
Attirés par l’eau des fontaines
Venaient mourir les éléphants
Ils arrivaient par cent détours
D’anciennes fermes de labour
Des champs de gaz et de bitume
Qui crachaient du feu dans la brume
Ils avaient pris des noms de guerre
Et changé leurs charrues en sabre
Ils donnaient tout l’or des rivières
Pour l’eau d’un puits, l’ombre d’un arbre
Aussi loin que porte la plaine
Jusqu’au bout des rives du temps
Attirés par l’eau des fontaines
Venaient mourir les éléphants
Ils jouaient dans les casinos
A moitié fous, à moitié ivres
Le prix de l’air, le prix de l’eau
Le temps qu’on avait droit de vivre
Quand les cours se sont effondrés
Ils sont tombés, comme des cloches
Avec des dollars plein les poches
Les enfants leur riaient au nez
Aussi loin que porte la plaine
Jusqu’au bout des rives du temps
Attirés par l’eau des fontaines
Venaient mourir les éléphants
Il avaient la peau d’ambre noire
Burinée par le poids des ans
Ils prêchaient pour des temps nouveaux
Mais nul ne voulait plus les croire
Ils citaient les noms des savants
Envolés au vent de l’Histoire
Que la chimère des mémoires
Avaient effacé du néant
Aussi loin que porte la plaine
Jusqu’au bout des rives du temps
Attirés par l’eau des fontaines
Venaient mourir les éléphants
Il arrivaient par cents et par milles
Des bords de mers, des champs, des villes
Cabossés comme des migrants
Maigres commes des chiens errants
Ils tournaient en rond sur le sable
Ils creusaient leurs pas dans la terre
Et leur tombe dans la poussière
De ce désert irrémédiable
Aussi loin que porte la plaine
Jusqu’au bout des rives du temps
Attirés par l’eau des fontaines
Venaient mourir les éléphants