Poèmes

  • De 17 à 25 heures

    Je suis au fond du puits

    Je suis au fond du puits Les mygales me guettent Les minables me matent Par l’œilleton mauvais Les araignées perverses Tapent toutes leurs pattes Sur le plafond de stuc Qui me cogne la tête J’entends tout ce qu’on dit Tout ce qui bruit résonne Tout ce qui fuit déconne Mon esprit part en torche Je suis au fond du puits Echappé du silence Les gouttes d’eau me broient La cervelle en tombant

  • De 17 à 25 heures

    L’orage

    Il fait nuit depuis ce matin Le ciel éteint Que de larmes lourdes se versent D’un ciel d’averse Sous le poids d’un jour étouffant Le ciel se fend Les éclairs fondent du plafond Comme du plomb Sans force, avec le front si bas D’un air si las Comme une armée qui rend les armes Sans combat Comme un noyé les yeux en larmes La tête en bas Une procession de pluie noire Sur les trottoirs S’étire en longs cheminements Infiniment Derrière mes carreaux de fortune Couverts de brume Je regarde couler ce ciel veule Qui se dégueule

  • De 17 à 25 heures

    Presque pas là

    Je ne suis presque pas là A peine cuté sur le bord d’un banc Au tout bout du bar. Où le vin ne coule presque pas Ou déjà plus Et la musique s’entend à peine Et la porte est proche On est presque déjà dehors Je ne suis presque pas là, Je m’évite Vos rayures s’accrochent, Et vous dessinent. Je ne suis presque pas là Je m’évite Ne voyez-vous pas que je me cache Que je me masque De tous mes doigts devant la bouche, De tous mes cheveux dans les yeux. Même les voix ne m’atteignent pas Et les regards me traversent, Invisibles, Vous dis-je : invisibles. Sentez le parfum…

  • De 17 à 25 heures

    J’ai compté…

    J’ai compté mes souvenirs Et voilà le train qui passe Et voilà le vent qui hurle Et qui emporte son cri Et voilà l’oiseau qui passe Venu des années-poussières Voilà sur le mur de pierre Un nom gravé qui s’efface Efface et que l’on remplace Par la mélodie nouvelle D’une romance en dentelles Qui se joue à pile ou face On ferme un livre achevé A peine on tourne la page Que déjà les personnages Dans la nuit s’en vont danser Danser sur des souvenirs Où des pleurs étaient tombées Et danser sur un été Qui se regarde finir Un été qui se désole Avant que vienne l’automne Revoilà la…

  • De 17 à 25 heures

    J’entrais…

    J’entrais dans sa chambre Son lit ouvert comme une invitation Au voyage, au voyage Son lit ouvert : une interrogation Quel voyage ? J’entrais dans son lit Sa vie ouverte comme les livres le sont Sur quelle page ? sur quelle plage ? Sa vie ouverte comme parfois le sont Parfois les cages J’entrais dans sa vie Les bras ouverts comme parfois le sont Un voyage, une page, une cage, Pour trouver enfin l’endroit d’une histoire CV 6 octobre 1986

  • De 17 à 25 heures

    J’entends tout

    Je descends peu à peu D’un pas précis, peureux Que je pose, petit, petit, du bout du pied Mon cœur s’apaise, à peine audible encore Mais voilà que déjà le silence recule Par nappes, par vagues, il se retire Il s’enferme au secret des murs De l’autre côté des paupières Entr’ouvertes Vient la lueur D’un regard retrouvé Qui palpite légèrement Pas D’un pas plus proche, tu viens Tu te penches Et nous battons Et nous battons, l’un avec l’autre à l’unisson A l’illusion d’un même souffle ou d’un frisson Les paupières closes Sous couvert Suis-je mort que j’entends tout ? Le doux ressac Le murmure D’un cœur qui bat Comme une…

  • De 17 à 25 heures

    Il avait trop marché

    Il avait trop marché cette nuit de Noël Les rires des enfants ne l’accompagnaient pas Sous les gifles du vent, la griffure du gel Seul un chien vagabond s’attachait à ses pas Depuis trop de saisons il parcourait la plaine Se cachant dans la nuit, poursuivi des gendarmes Ses forces s’épuisaient, et sa peur, et sa haine Il rêvait d’un rivage où déposer les armes Il s’assit, planta son bâton, frotta ses mains En lui jetant des pierres il éloigna son chien Et puis il attendit drapé dans son manteau Que le froid peu à peu s’insinue dans ses os. Il se souvint d’un coin de ciel De l’autre côté…

  • De 17 à 25 heures

    Fatigue

    Je parle à l’envers de la feuille J’ai rimé toute la journée La plume noire dans l’encrier N’a plus le cœur de boire Les mots et leurs majuscules S’étirent comme des fils tragiques Mes mains s’appliquent lourdement sur les murs Et laissent une marque profonde Au milieu des fleurs déteintes La fumée de mes cigarettes Plane très bas Puis vient se poser sur le sol Elle exhale un tapis de laine De mille moutons éthérés. Je sens mon cœur Comme une bulle qui crève