Poèmes

  • De 17 à 25 heures

    Sur la place

    Sur la place Les façades des maisons se sont effacées pour qu’il passe, Sur la place au milieu Lui  L’espace. Tête nue sous la pluie muette, Il allait et son pas s’arrête L’instant d’une interrupture, Pendant que l’aiguille se brise sur la montre, Que le cœur du temps s’arrête Et qu’on n’entend plus le poids de la pluie qui pleure, Il ne bouge plus. Il allait. Ne va plus. Etourdi, cogné soudain par l’évidence De cette question qui frappe Et l’abat comme un arbre : A quoi bon ? Il secoue de son manteau de pluie Des étincellements d’eau : Tombent de ces petites étoiles mouillées, Inutiles. Comme sont les rêves mal éveillés…

  • De 17 à 25 heures

    Paris-Lorient

    Adieu, voici le soir venu, le temps La pluie aussi Me fouette ici Et là, dans l’air du temps passé déjà, pourtant Pas de larmes, surtout, inutile Ni de tendresse, ni de promesses La chasteté ? Un thé de vieux jupons anglais stériles C’est un départ sans billet pour ce soir L’un s’en va L’autre pas Nos routes vont s’enfuir jusqu’à l’infini Pas de violons surtout, les chants du violon j’interdis ! C’est un départ Le tien. Tu pars Ce n’est pas une affaire, dis ? Et le quai de la gare aussi, fatigué, usé Par les pieds de poètes au son des pas perdus Je jette Ma plume et sort, sort jeté…

  • De 17 à 25 heures

    On joue le dernier acte

    On joue le dernier acte On sera gai et outré On boira de tous les champagnes Il y aura des coupes dans chaque main Des rires cassants comme des vitres Dans chaque gorge Des femmes qu’on décidera : belles Des talons impatients Qui martèleront le sol Pour qu’il résonne Que la salle s’emplisse de bruits Jusqu’à ce qu’elle déborde Que tout ce qui est sonore vienne s’y cataracter On voudra danser Jusqu’à ce que les heures se lassent Jusqu’à épuiser le jour à naître Jusqu’à le vider de son impatience Qu’il demeure à jamais dans les limbes Et que cette nuit ne finisse pas Ce soir, on vous connaîtra tous On…

  • De 17 à 25 heures

    Mon étoile a pâli

    J’ai lu dans ton regard Quelque chose d’éteint. Pas encore de l’ennui Mais déjà du silence. Comme une douce lassitude. Comme la patine du temps. Comme l’or terni des alliances. Une ombre s’est glissée entre nous sans un mot Et tu ne l’as pas vue. Moi, j’ai fermé les yeux un instant sans rien dire J’ai su bien avant toi que tu allais partir.

  • De 17 à 25 heures

    Qu’un cheval secret

    Près du portail en berne S’inclinent tristement Un long cheminement Lassé de couleurs ternes Meurt le rouge pâli Sur le bord de ta bouche Et le soleil jauni Où les heures se couchent Et là dans les ruisseaux de lave Nagent, nagent des poissons d’or Echappés du Musée Grévin Mon doigt court sur le rail uni Mes mains ruissellent sur la voie Sur la colline à l’agonie On entend palpiter les bois Aux murmures du cor Pour un instant sonore Une seconde encore J’écoute un air du Nord Ô qu’un cheval secret Passe, crinière au vent !

  • De 17 à 25 heures

    Miroir coupé

    Cadre des nuages Au fond d’un ciel de Brême Je rassemble je me rappelle Mon reflet à plat Sur le saint sacrement des eaux sombres Portrait emmitouflé Double face De mon miroir lame coupé Double orange, me dit Paul, de ma chambre Quoi se passe derrière la vitre nue ? Poing tailladé de sang Mille éclats de mon univers prisme brisé Petits morceaux de lampe qui n’éclaire plus Main posée sur le bord de la table Qui marque douloureusement sa trace

  • De 17 à 25 heures

    Ne réponds pas

    Aurais-je le temps de dire : je t’aime ? Nos heures sont devenues si courtes Je dis : voilà Mais qui me répondra ?         * Tout respire de ton passage Pourtant le souffle me manque. J’ai eu vent que ce silence Soit déjà mon dernier soupir.          * Bien sûr, nous aurions du Effacer nos mémoires Qui de nous deux oublia l’autre le premier ? Je ne me souviens plus.

  • De 17 à 25 heures

    Soleil vert

    J’enroule autour de toi Comme un voile de brume Comme un souffle de plumes Comme une aile d’écume J’étends les bras J’embrasse le temps J’entends ton pas Les marches s’énoncent une à une Elles volent jusqu’en haut des dunes Elles se détachent sur des syllabes de silence Ton nom et le mien : muets Et juste tes pas qui résonnent Au bout du chemin, des rochers, un ravin Une crypte aux dents blanches S’offre comme une fleur, comme un baiser On sent la gorge de la terre Qui bat lentement d’un sang rauque Et qui murmure un chant profond Un chant de chairs désespérées Qui sanglote auprès du feu Je me…

  • De 17 à 25 heures

    Valet de trèfle

    Petit enfant des eaux dormantes Tu masques toujours ton visage ? J’ai cru avoir noyé dans mes écritures : la tienne Mais j’ai retrouvé ta lettre Au carrefour de chaque syllabe vivante Tu étais là Dans chaque mot dans chaque trait Sous les ratures où tu caches ton nom Le vrai, le mystérieux Celui que tu ne prononces jamais Et que j’ai pensé deviner peut-être Et la pluie n’en finissait pas de noyer le poisson Poisson volant perdu dans l’arbre Clochettes au cou des troupeaux lointains Déjà tes mains se referment sur des papillons vénéneux Et tu cries d’angoisse Tu cries que tu voudrais qu’il fut resté chenille Et tu…