Un monde s'écroule

  • Poèmes,  Un monde s'écroule

    Nous avions tout faux

    Nous avions tout faux. Nous avons cru qu’il fallait que les vieux meurent pour que les jeunes aient une chance de vivre, une chance de naître au monde, tant pis, il est comme il est, le monde, pas beau, il s’écroule de partout, il s’effondre chaque jour davantage, il est de moins en moins vivable, de plus en plus hostile, et cruel, mais il est là, le monde, avec encore des aventures enivrantes à vivre : respirer, sentir, aimer le goût de l’eau des sources, le goût des fruits des bois, les fleurs, la fraîcheur des rivières quand y on plonge, la douceur des soirées d’été, l’amour, ce diable fou…

  • Poèmes,  Un monde s'écroule

    Ils ne mouraient pas tous

    Ils ne mouraient pas tous Mais certains broutaient la poussière La fine fleur de poudre brune Qui remontait le long des runes La pluie fine de fleur de suie Qui s’insufflait dans les poumons Poison docile et fallacieux Et dans les coeurs aventureux La mort facile et silencieuse   Ils ne mouraient pas tous Certains s’écroulaient en silence Par pans entiers comme un château De cartes attaqué par la mer Ils s’affaissaient sur leurs genoux Mur après mur Et leurs entrailles S’effilochaient au gré du vent Le sel avait rongé les tours Les vagues emportaient les remparts   Ils ne mouraient pas tous Certains voyaient leurs bras noircis Leurs yeux…

  • Poèmes,  Un monde s'écroule

    Les rats dégoûts

    Les rats dégoûts sont revenus Les rats dégorgent dans les rues   Des petis rats de rastaquère Au début il n’y en avait qu’un Qui remontait du fond des âges Nourri d’ordure et de carnage Un petit rat du raz d’égout Au nez de châtaigne pointue Aux petites pattes tordues Qui s’accrochaient dans les ornières Et puis il en vint de partout Qui goûtaient le long des coursives Et les toits des maisons massives Des rats de mauvaises manières Des mange-mères et grouille-tout   Les rats dégoûts sont revenus Les rats dégorgent dans les rues   Le long des canaux des eaux fortes Il en venait de toutes sortes Ils…

  • Poèmes,  Un monde s'écroule

    Que font les morts ?

    Que font les morts debout sur le chemin du ciel Au milieu des esprits et des fleurs maléfiques Narguant les angelots, les dévots et leur clique Ravalant des rancoeurs et des sanglots de fiel ? – Que font les morts blottis dans l’angle de la terre Pourriture asséchée, tas d’os et de brindilles Lessivés par les ans, rongés par les chenilles Oubliés par des chiens aux portes de l’enfer ? – Que font les morts ? Ils doutent Ont-ils jamais connus ces passants en déroute Ces amants farfadets aux visages fugaces Et les ont-ils aimés avant qu’ils ne s’effacent ? – Que font les morts ? Ils pensent Au sacre…

  • Poèmes,  Un monde s'écroule

    Trois petits singes

    Nous reviendrons bavarder avec les trois petits singes du bout du mur. Ils ont des gueules bien sympathiques. On se sait pas s’ils sont gibbons, macaques ou chimpanzés. Non, chimpanzés, non. Ils nous ressemblent trop. Ils sont venus nous voir tout de suite, comment sont-il arrivés là ? Sont-ils descendus des arbres ? Sont-ils tombés du ciel ? Car on ne monte pas comme ça sur le mur de la présidence, il y a des tessons de bouteille partout, des barbelées, des fils fils de fer, des pièges électriques. Des fois que le peuple ait l’idée de troubler la paix du palais. Il n’y a plus de présidence, maintenant. Mais…

  • Poèmes,  Un monde s'écroule

    Ceux qui vont

    Ils sont partis vers des terres lointaines Partis au nord, où il y avait de l’eau De l’eau de pluie et de l’eau des fontaines La terres est morte ici, la vie est vaine – Ils ont marché comme un peuple étourdi Marché de nuit sur le sable endormi Le sable nu mangé par les cailloux Les cailloux vifs avec leurs dents de loup – Fuyant la ville et le cri des corbeaux Le feu du jour qui leur brûlait la peau Ils sont partis dans le soleil couchant La nuit  enfin rafraîchissait le vent – Il y avait là des bagnards en errance Des vagabonds, des soldats sans chaussures…

  • Poèmes,  Un monde s'écroule

    Eléphants

    Aussi loin que porte la plaine Jusqu’au bout des rives du temps Attirés par l’eau des fontaines Venaient mourir les éléphants   Ils arrivaient par cent détours D’anciennes fermes de labour Des champs de gaz et de bitume Qui crachaient du feu dans la brume   Ils avaient pris des  noms de guerre Et changé leurs charrues en sabre Ils donnaient tout l’or des rivières Pour l’eau d’un puits, l’ombre d’un arbre   Aussi loin que porte la plaine Jusqu’au bout des rives du temps Attirés par l’eau des fontaines Venaient mourir les éléphants   Ils jouaient dans les casinos A moitié fous, à moitié ivres Le prix de l’air,…

  • Un monde s'écroule

    Les clochards célestes

    Quand on était vieux On allait courbés La tête penchée Les genoux cagneux. L’hiver dans les yeux On traînait nos pas De trotte-menu Au café-tabac Qui vend des cousues. Mais il n’y en a plus On buvait du vin Sur le bord du zinc Parfois des gamins Jouaient du bastringue. Ca nous rendait dingues On poussait du bois Sur des échiquiers On gagnait parfois Une reine, un roi. Contre un cavalier Le monde alentour Pouvait s’écrouler L’évêque ou la tour Pouvaient bien tomber. A chacun son tour A chacun sa loi On n’entendait rien On poussait du bois L’hiver dans nos mains. Le coeur aux abois Quand on était vieux…

  • Poèmes,  Un monde s'écroule

    A l’homme du bar

    Prends-le si tu veux, Prends-le tout avant qu’il s’envole L’argent ne sert à rien Il se mange les mains Il se ronge les poings Il tambourine avec ses doigts Sur des masques de fer Sur des portes de bois Et sur des pots de terre L’argent ne se plie pas, il se prie Le genou en terre et les yeux dans le gris du ciel Où danse un rayon de soleil Par dessus  monts et merveilles Froissé comme un crime parfait Et léger comme un lit défait L’argent n’existe pas, comme un dieu. Il a ses murs et ses murailles Ses cathos et ses cathédrales Il a ses règles et…